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Interview de Jean-Michel Laloue, Conservatoire du Littoral :
"Le paysage de Talmont a fortement évolué puisqu'on est sur une zone soumise à la mer. On est sur un estuaire, l'estuaire de la Gironde. Mais la mer rentre très profondément et le niveau marin aux différents siècles passés a monté et descendu au gré des événements. Et donc le marais de Talmont qui est derrière nous, à une époque l'eau allait jusqu'aux coteaux, à plusieurs kilomètres dans les terres. Et la mer s'est retirée et c'est l'activité socio économique de l’homme qui a repris ses droits. En Charente Maritime, les activités qui ont pris en premier étaient la saliculture, production du sel et l'élevage est venu par la suite. Dans d'autres endroits c'était l'ostréiculture et donc il y a effectivement une conquête de l'homme sur les marais.
Et on arrive comme ça au siècle présent, où on a la culture céréalière qui s’est mis sur certaines parties, certaines zones sont restées en élevage. Le sel a quasiment disparu sauf sur certaines zones du territoire du département mais sur Talmont il n'y a pas du tout de sel. Il y a l'élevage et la culture intensive.
Et sur les terres hautes, il y a aussi une évolution puisqu'on a la falaise aussi qui a reculé au gré des événements, à l'endroit où se trouvent les carrelets derrière nous.
Donc la conquête du Marais s'est faite au fil du temps. Suivant les endroits, si on
descend un peu plus au sud, c'est les Hollandais qui l'ont fait. Ici ça a été fait plus localement. Plus bas c'était pour reconquérir des mauvaises terres, en gros c'était assainir. Sur les très vieilles cartes il y avait marqué « zone de palu », c'est quand même indicatif. Donc ça se déroule du 15ème jusqu'au 18ème siècle. Suivant les secteurs de l'estuaire c'est un peu différent. Plus on est près de la mer, plus on est pour du sel. Et le sel c'est entre le 15ème et 16ème voire 17ème (siècle). Mais tous les secteurs n'ont pas réagi de la même manière, donc c'est plus ou moins rapide. Et c'est très long dans le temps. À l'époque tout est fait par la main de l'homme. Donc entre le moment où on décide de le faire et l'évolution c’était des conquêtes par petites bandes, ce qu'on appelle la poldérisation en agriculture. Et peu à peu on conquiert des bandes. Donc pour partir des côteaux, qui sont à plusieurs kilomètres et pour arriver jusqu'au trait d’aujourd'hui, il s'est passé plusieurs décennies voire des siècles. Donc l'intervention du Conservatoire du littoral sur le secteur est relativement récente, puisque la première intervention qui a été menée c'était l'affectation du domaine public fluvial. C'était en 2008 donc on a récupéré toute une bande littorale sur 40 km de long qui représente 1600 hectares dont les vasières qui sont derrière nous. Les vasières constituées donc d’une zone de vasières, et en se rapprochant de la côte ça finit avec des zones de roselières.
C'est une très forte richesse biologique, en termes de frayères, en termes de faune, d'insectes et de flore. Donc on a vraiment des choses très intéressantes. Donc il y en a en a une là, il y en a une de l’autre côté du village. Et sinon effectivement plus récemment, on est intervenu dans le marais. Récemment on a acheté 123 hectares qui étaient des cultures intensives, sur lesquelles on a fait une reconversion en prairie, sur lesquelles on a installé un éleveur de moutons. Ça permet d'avoir un milieu qui ne se ferme pas. Parce que s'il n'y a pas d'activité agricole, le milieu va se fermer. Et un milieu fermé à très peu d'intérêt paysager, très peu d'intérêt au titre de la faune et de la flore. Donc le but d’avoir de l'activité d'élevage permet d'avoir un milieu ouvert, maintenir une richesse permanente et garder un paysage dégagé. Puisque si on se retrouvait avec un boisement humide, c'est vrai que la patine du secteur changerait complètement.
Et dans cette évolution-là on a travaillé, avec la commune, avec un paysagiste qui a permis de dessiner un peu dans le futur ce que pourrait être ce marais là, en prévoyant des itinéraires, des observatoires, des choses comme ça. Donc c'est quelque chose sur une échelle de temps assez importante. Mais l’idée effectivement, c'est d'ouvrir le marais. Puisque quand on était en culture intensive, emmener des gens dans le marais au milieu des champs labourés ou à certaines périodes où il y a de la culture, c'est intéressant mais bon, il n'y a pas grand chose à voir. Il y a des choses à voir mais c’est limité.
Donc le but c'est de créer un paysage qui ressemble aux paysages traditionnels qu'on peut trouver, mais toujours avec une orientation. On ne va pas mettre quelqu'un qui ne peut pas en vivre. Donc on travaille sur un modèle économique aussi. Il y a vraiment quelque chose qui ressort actuellement. C'est plutôt sympa et donc on essaye de contribuer à ça par l'acquisition et la mise en oeuvre de toute une politique autour de ça."