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L’arsenal de Rochefort, créé en 1666 sur la rive droite de la Charente, à 24 km de l’embouchure, était un site stratégique pour l’équipement militaire royal français. Pour assurer sa défense, un ensemble de 14 forts et redoutes a été établi à partir de la fin du 17e siècle autour de l’entrée de l'estuaire. Il s’agissait d’empêcher les flottes des pays ennemis, notamment Anglais et Hollandais, de remonter le fleuve jusqu’à Rochefort. Il fallait également sécuriser la rade de l’île d’Aix, ce grand bassin marin naturellement protégé par les îles voisines, où les navires de la marine royale étaient armés. Les navires marchands venaient aussi s’y réfugier en temps de guerre, sous la protection des vaisseaux du roi.
Dès 1673, pendant la guerre de Hollande, le fort Vasou a été construit dans l’entonnoir de l’embouchure de la Charente pour prévenir les incursions de vaisseaux néerlandais dans l’estuaire. La forme en fer à cheval de sa batterie de canons permettait de couvrir un large champ de tir.
Plus proche de l’arsenal, la batterie du fort Terron a été implantée à Vergerou sur un promontoire qui dominait la Charente.
A la même époque, la presqu’île de la Fumée, face à l’île d’Aix, a été fortifiée par la construction du fort de l’Aiguille, une simple redoute carrée. Son enceinte, dotée de canonnières sur les 4 côtés, permettait de couvrir une zone de tir à 360° autour de la péninsule. Comme au fort Vasou, ses talus en terre construits à la hâte ont été plus tard renforcés par des maçonneries.
Une partie de ces travaux de consolidation et modernisation s’inscrivaient dans une vaste campagne de fortification de la zone menée à partir de 1688 par le célèbre ingénieur architecte Vauban, commissaire général des fortifications du royaume. Il contrôlait le travail de François Ferry, ingénieur du roi. Ensemble ils ont notamment transformé le château médiéval de Fouras en un fort adapté aux armes de cette fin de 17ème siècle pour en faire l’une des pièces majeures de la défense de l’estuaire. Ils l’ont renforcé, ont épaissi ses murs défensifs, aménagé le sommet du donjon en plateforme d’artillerie, édifié une fausse braie, ainsi qu’une batterie de tir en demi-cercle sur la courtine. Cette forteresse pouvait accueillir jusqu’à 600 hommes et une cinquantaine de canons.
Le Fort Lupin, bâti en 1688 en amont du fort Vasou sur l’autre rive, est aussi le fruit de cette collaboration entre Vauban et Ferry. Défense supplémentaire sur l’estuaire, il permettait également de protéger la fontaine royale de Saint Nazaire, une citerne d’eau potable pour l’approvisionnement des navires. Maçonnée dans le lit du fleuve, elle reçoit son eau de source par une canalisation souterraine. Ses décors sont typiques de son époque de construction, en 1676, sous le règne de Louis XIV.
La forme extérieure du fort Lupin est assez similaire à celle du fort Vasou, avec une batterie de canon en fer à cheval côté fleuve, percée de 22 ouvertures de tir offrant un champ de visée complet sur 180°. Et côté terre, la douve est doublée d’une fortification en étoile. Ce type de constructions défensives à angles saillants, appelé redan ou bastion, a été inventé en Italie à la fin du 15e siècle. Ce système beaucoup plus résistant et facile à défendre que les murs circulaires s’est généralisé dans toute l’Europe et a connu son âge d’or en France avec Vauban, qui en maîtrisait toutes les subtilités.
Sur l’île d’Aix, le duo Vauban Ferry a édifié le fort de la Rade, pour stopper les navires ennemis grâce à sa vaste batterie de canons en demi-cercle. Côté terre ils ont aménagé une demi-lune, un ouvrage défensif en forme de flèche, entouré d’un fossé rempli d’eau qui séparait le fort du village.
Sur l’île Madame, une redoute carrée accompagnée de batteries avancées permettait de croiser les tirs avec le fort de Fouras pour bloquer l’entrée de l’embouchure.
Dans les années 1770, trois forts supplémentaires ont été construits à l’entrée de l’estuaire pour parer à la menace anglaise. Ils ont tous les trois disparu depuis.
De très importants travaux ont été réalisés sous Napoléon Bonaparte pour combler les failles de la défense de la rade d’Aix. En effet, les Anglais avaient réussi à y mettre en déroute la flotte française en 1809 en envoyant des brûlots, des navires enflammés sans équipage.
C’est à la suite de cet événement qu’a été construit le fort Enet, à l’extrémité de la pointe de la Fumée. De plan en demi-cercle, il est percé de canonnières côté océan et un redan triangulaire côté terre reprend le principe des forts du 17e siècle. En 1850, il a été rehaussé d’un deuxième niveau de tir, avec 16 casemates surmontées par une plateforme d’artillerie. A cette époque, il pouvait accueillir une centaine d’homme et 28 canons. Il a ensuite été remanié plusieurs fois à la fin du 19e siècle et au début du 20e.
La construction du fort Liédot, au nord de l’île d’Aix, a également été démarrée sous Napoléon, en 1810, selon la volonté de l’Empereur. Autour d’une cour carrée, ses 4 ailes de bâtiments avec des bastions à chaque angle forment une sorte d’étoile à 4 branches. Son toit terrasse recouvert de terre et d’herbe est bordé par un chemin de ronde qui fait le tour de la construction. Comme le fort Enet, il a été remanié à la fin du 19ème siècle et il a servi de prison. Il est entièrement construit en pierre de Saint Savinien, mise en œuvre avec art et technicité sous la forme de voûtes imbriquées. Malgré leur rôle utilitaire, ces constructions militaires revêtent une dimension esthétique forte.
Enfin, la création du Fort Boyard a été toute une aventure. L’idée de son implantation avait germé dès le 17e siècle, pour sécuriser la passe entre l’île d’Aix et l’île d’Oléron. Mais Vauban ne croyait pas en la faisabilité d’une construction dans cette zone au sol instable soumise à de forts courants marins. La question était régulièrement réenvisagée jusqu’à ce qu’en 1801, Bonaparte, encore premier consul, ordonne le démarrage du projet. Mais, comme l’avait prédit Vauban, l’entreprise était ardue. Il a fallu presque 60 ans pour bâtir cet immense vaisseau de pierre, en forme d’anneau allongé. Les premières fondations qui avaient nécessité plus de 60 000 mètres cubes de pierres ont été détruites par les tempêtes de l’hiver 1807. Les travaux n’ont repris que 30 ans plus tard et il a fallu plus de 10 ans pour achever des fondations stables, à grands renfort de blocs de pierre, de béton hydraulique et de chaux. C’est un fort aux dimensions plus modestes que prévu et orienté différemment pour mieux résister aux assauts des vagues qui a finalement vu le jour en 1860.
Mais comme tous les autres forts, il s’est rapidement avéré obsolète face aux évolutions de l’armement. Il a lui aussi servi de prison pour les communards en 1871, avant de devenir un centre de contrôle de torpilles sous-marines. Abandonné en 1913, il est devenu la star d’une émission de télévision depuis 1988 et son rachat par le Département de la Charente Maritime.
Les autres accès vers la rade de l’île d’Aix, notamment le Pertuis d’Antioche, étaient également équipés de forts répartis en différents points stratégiques, en particulier sur l’île d’Oléron.
L’estuaire de la Gironde était quant à lui gardé par plusieurs forts, notamment la citadelle de Blaye, fort Pâté et fort Médoc, qui constituaient à eux trois un ensemble qualifié de « verrou de l’estuaire » conçu par Vauban.
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